On
peut d’abord penser que le titre est racoleur, il y a de bonnes raisons à
cela ! Mais après l’avoir lu, on a un peu honte de l’avoir cru, on se sent
bouleversé par la réalité décrite.
Bien
sûr, on connaît le rapport qu’ont les religions aux femmes, à leur sexualité et
à la sexualité en général. On sait la haine pour les femmes que toutes ont été
capables de développer dans le passé, et aujourd’hui encore ;
La
religion catholique, qui nous est la plus familière, a pu être marginalisée en
Occident, après des siècles d’une violente inquisition, de meurtres et, de
tortures morales et physiques, qui avaient façonné des mœurs implacables. Un
des buts fondamentaux : maintenir les femmes sous tutelle, sous la
domination des hommes, sous la menace du rejet social, de l’enfermement, et
d’accusations diverses (hystériques, sorcières, irresponsables, tentatrices,
etc.)
Tout
aussi important fut le rôle politique qu’elle a joué auprès des puissants
pendant des siècles d’obscurantisme et de terreur : garder l’emprise sur les
esprits, sur les consciences, sur les actes des hommes. Très tôt, le clergé
catholique a imposé la prépondérance des hommes en théorisant le culte de la
vierge Marie, du rôle de la femme génitrice avant tout, de sa soumission à
l’église et aux maris.
Seulement
voilà, en Occident les choses se sont un peu modifiées, voire beaucoup.
L’Église a dû en rabattre devant l’avènement d’une nouvelle et forte
idée : la laïcité. Etant donné les combats qu’il faut encore mener, et les
horreurs dont la religion catholique semble encore capable, on voit bien
qu’elle n’a pas renoncé à son ancienne volonté de puissance
Mais,
ici, elle n’a plus les mains libres ni la connivence avec le pouvoir politique,
ni l’influence de jadis : la liberté individuelle des femmes et, horreur,
le principe d’égalité avec les hommes sont des droits ! On ne brûle plus les sorcières, on n’interne
plus les femmes qui s’opposent à leurs maris, le mot fille-mère
est devenu anachronique, un violeur est jugé comme criminel, une voix de femme
est, de droit, égale à une voix d’homme et… la sexualité des uns et des autres
est avant tout l’affaire de chacun !
Chahdortt
DJAVANN nous ramène, nous occidentaux, plusieurs siècles en arrière avec ce
livre bouleversant sur l’Iran d’aujourd’hui, qui met en cause les mœurs
odieuses autant qu’honteuses d’une société façonnée par l’islam chiite et qui
vit encore sous la botte de la charia.
Elle
témoigne, à sa façon, mais elle dit le vrai, le juridique islamique qui définit
la notion de « sang sans valeur », expression appliquée aux femmes et
aux hommes peu ou prou en délicatesse avec la loi religieuse intransigeante.
Elle
nous parle de la misère sexuelle que vivent ces hommes et ces femmes musulmans
sous le joug d’une religion implacable qui place la sexualité sous le signe de
la honte et de l’impossible confiance entre homme et femme, car dissuadée par
la loi mortifère.
Elle
dit l’hypocrisie de la sexualité contrôlée par les mollahs et son corollaire,
les « épouses temporaires » que des mollahs louent pour une durée déterminée (une heure, une semaine, un an) à
de « bons » musulmans soucieux …du respect de leur religion (un
proxénétisme religieux, en somme, mais qui serait moral…) !
Elle
évoque la dangerosité pour une femme célibataire et pauvre d’être très jeune,
d’être une adolescente fugueuse, ou veuve, ou prostituée, de n’être plus vierge
ou simplement d’en être soupçonnée. Sans mari, ni protecteur, une femme est
alors perçue comme une chose publique, qui appartient à tout un chacun. D’où
une très grande vulnérabilité !
Et
la religion montre là son visage le plus hideux : elle couvre le viol en
accusant la victime de comportements provocants sous son tchador, elle incite
ses fidèles à faire œuvre de « salubrité publique ». La mise à mort,
le meurtre est encouragé au nom de la pureté de la religion ! Les
assassins, soutenus par les religieux, sont en général blanchis par référence
au dogme ! Les meurtres de prostituées, d’ailleurs, nous dit Chahdortt, ne
donnent pas lieu à des enquêtes !
Mais
l’islam chiite a ses coquetteries : il condamne l’assassinat des individus
mais recommande l’élimination des
gens « sans valeur » ... De par la même loi, une femme vaut déjà la
moitié d’un homme, alors pensez donc, une femme seule non vierge ou prostituée
…
Comme
dans la plupart des religions, celle-ci exacerbe l’arme lourde de la virginité
pour soumettre les femmes : cela sert de prétexte pour les surveiller
voire les enfermer, et dans tous cas les soupçonner du pire : menteuses,
dissimulatrices, irresponsables, provocatrices, forcément coupables !
D’ailleurs,
le mot pute, un peu comme chez nous
dans certains quartiers, désigne pour un homme éconduit, la femme qui se
refuse ! Ici, cela porte très rarement à des conséquences extrêmes, mais
en Iran, elle risque tout simplement une dénonciation et au bout du compte,
très officiellement, la mort !
L’auteur
explique combien les filles sont en grand danger dans la famille elle-même, de
par leur entourage masculin, et les femmes au travail de par leurs collègues
et/ou supérieurs hiérarchiques. Elle font donc l’objet d’un racket sexuel aussi
immonde que fréquent.
On
ne sort pas indemne de ce livre ! Chahdort dit page 191 :
« Habiter un corps de femme, dans la majorité des pays musulmans, est en
soi une faute. Une culpabilité. Avoir un corps de femme vous coûte très cher,
et vous en payez le prix toute votre vie. »
Elle
n’est ni optimiste, ni pessimiste. Elle écrit, elle montre, elle témoigne, et
elle souffre quand elle évoque ces femmes qui par fanatisme religieux, par
égoïsme ou par peur, participent à la curée de celles que l’on dénonce ou
tue !
La
crudité de certains propos ne fait qu’exacerber l’horreur et la sidération qui
vous saisit devant ces pratiques de dégradation et d’avilissement d’un être
humain : comment concevoir l’aveuglement fanatique d’un homme qui étrangle
avec son tchador la femme qu’il vient de baiser ?
Chahdortt
se glisse dans la peau d’une quinzaine de femmes, tour à tour, pour raconter
leur vie d’avant, le manque de tendresse, la souffrance, leurs enfants, leurs
espoirs, leurs désirs. Avant d’être retrouvées mortes, étranglées avec leur
tchador, ou pendues au nom de la loi islamique, en Iran, dans les années 2011,
2012, 2013, 2014, 2015… C’était hier, encore !